Sans aller jusqu’à la métaphore de la montre de luxe, vous ne devriez tout même pas rater votre vie sans avoir poser vos roues dans le Valais, en Suisse. Pourtant, à la lumière de cet article, il se pourrait qu’une telle lacune dans une vie de pratiquant vous saute aux yeux. Car on peut très bien se satisfaire de ce qu’on a déjà roulé sans avoir goûté au paradis…
Les montagnes, notamment les Alpes, se ressemblent, ne se valent pas. Même s’il existe des entités très emblématiques et très distinguables comme par exemple les Dolomites, il n’en reste pas moins que le Valais, au premier coup d’œil, ressemble vulgairement à n’importe quel autre coin des Alpes. Et c’est vrai que le territoire ne paie tellement de mine quand on remonte le long du Rhône, l’autoroute suisse numéro 9. On est tellement accaparé par le fait d’avoir payé uniquement 50 euros la vignette à l’année pour utiliser toutes les autoroutes du pays, que l’on pourrait en oublier l’environnement escarpé dans lequel on évolue. En plus d’être focalisé sur l’inverse du racket des autoroutes que l’on connait en France, on fait une seconde erreur : venir ici en voiture ! Car la Suisse a tout prévu pour que vous puissiez vous déplacer confortablement en train. Revers le médaille, le coût du transport. Sans demi-tarif, un prix spécial de -50% selon des critères divers et variés que de nombreux suisses disposent, il est vrai que le budget transport en commun peut vitre exploser. C’est d’ailleurs paradoxal de brader une vignette d’autoroute à l’année, 50 euros c’est le même prix que le péage pour aller de Paris à Grenoble, quand on fait payer aussi cher l’accès au train. Bref, quoi qu’il en soit, la voiture n’est pas une obligation pour venir rouler en Suisse, même pour un long séjour.
Dans mon cas, je suis basé à Verbier car je suis ici pour rouler une semaine dans le coin. Et pourtant, le tour du jour n’est pas dans le secteur de mon hébergement. Même si le point de départ est situé à presque 40 min d’où je dors, je n’ai nullement besoin de prendre mon véhicule. En ouvrant la porte de mon chalet au petit matin, face au décor majestueux des Combins, des sommes enneigés de plus de 4000 m, je me laisse glisser à vélo jusqu’à la gare du Châble, située dans la vallée. En moins de 20 minutes, j’ai déjà fait une belle descente et pourtant je n’ai pas encore attaqué mon tour. Le moteur est toujours éteint. Je grimpe dans le train et me laisse bercer par le ronron bien rôdé de la mécanique suisse. Le paysage défile derrière les grands baies vitrées du train. A Martigny, une des grandes villes du Valais, je change de train et continue mon périple ferroviaire sur environ 5 minutes. A Vernayaz, une petite gare de la vallée du Rhône, je descends du train et traverse la plaine fertile, alimentée par les eaux du fleuve. Même si on est dans les Alpes, l’altitude est très basse. Je suis à peine à plus de 400 m. Et quand je lève la tête, les montagnes me dominent très fortement. C’est là que l’on peut commencer à comprendre le potentiel du Valais. Aussi, en jetant un coup d’œil rapide à une carte de randonnée, on s’aperçoit que ces versants sont constellés de sentiers balisés… Tout autant de possibilité pour du grand VTTAE !
En traversant la plaine, je laisse mon moteur éteint, je sais que la journée est longue. Sur le plat, même s’il faut entrainer le poids de ma machine, je préfère la jouer ainsi. J’atteins un nouveau petit village où la vie semble bien calme. Un télécabine part du centre. Blotti entre les maisons, cette installation surprend. En France, nous avons l’habitude de voir une telle machinerie en station de ski mais jamais dans le coeur d’un petit village à si basse altitude. Car ici le télécabine est conçu également comme un transport en commun qui dessert des hameaux. Ce genre d’installation est nombreux dans le Valais, autant en profiter. Les vélos doivent être suspendus par les roues sous la cabine, un drôle de dispositif qui demande une bonne énergie à cause du poids d’un VTT électrique. Puis en quelques minutes me voilà projeté 700 m plus haut. En sortant du télécabine, j’emprunte une paisible route forestière, je roule tranquillement en mode éco, j’optimise à fond ma batterie. Plus haut, quand la pente se redresse et que j’ai déjà plusieurs centaines de mètres dans les pattes, je change de mon mode, je passe en Tour +. A la sortie de l’étage forestier, je rentre dans les alpages. La piste s’interrompt et désormais c’est ton sentier qui grimpe. L’ascension est assez technique, je dois régulièrement renforcer mon assistance pour tenter certains passages. Dans ces sections, il n’est jamais très simple de trouver la bonne position sur le vélo. Car au moindre coup de pédale avec une forte assistance, on a vite fait de se retrouver sur le dos. Pour cela, systématiquement, je force le trait et me couche sur mon guidon. Mieux vaut prévenir que guérir ! Je continue de grimper jusqu’au point culminant de cette ascension, le portail de Fully a presque 2300 m. Je domine la vallée du Rhône de presque 2000 m ! Les alpages sont entrain de virer aux couleurs de l’automne. Cependant j’arrive à trouver quelques myrtilles rescapées de l’été. C’est une bonne collation face à un paysage spectaculaire, notamment le massif du Mont-Blanc au sud. J’ai bien optimisé l’usage de ma batterie car il me reste de quoi faire largement.
Je change de versant à l’endroit même où le Rhône 2000m plus bas décrit lui aussi un coude. C’est clairement à cet endroit là que l’on entre vraiment dans le Valais. En tous cas, c’est après ce virage que se dessine la grande faille de la vallée du Rhône, jusqu’à la source du fleuve, près du col de la Furka. Le panorama est saisissant. Et j’ai la chance d’avoir un ciel bleu incroyable. En même temps, le Valais, du moins dans sa partie sud, bénéficie d’un micro-climat. Alors que le massif est plus au nord que nos Alpes du Nord, il n’en reste pas moins qu’il est marqué par un climat proche de nos Alpes du Sud ! En plein été, vous pouvez même entendre les cigales qui chantent en basse altitude ! La Provence suisse en définitive !
Pas un nuage à l’horizon, je contemple une kyrielle de très hauts sommets. Le sentier est suspendu au flanc de la montagne, certains passages sont escarpés et engagés. Même si la pente aval n’est pas verticale, elle est encore plus traitresse. Car avec la vitesse d ‘évolution sur le vélo, en cas de chute, il ne serait pas possible de s’arrêter dans ces pentes herbeuses. Il faut toujours avoir conscience de cela. On a tendance a être très concentré quand on passe en bordure d’une falaise verticale mais beaucoup moins le long d’alpages très pentus. Et pourtant, le résultat pourrait être le même en cas de sortie de sentier. Plus loin, le sentier quitte la crête et descend dans les belles prairies jaunies jusqu’à un lac. Je choisi un coin bien à l’abri et en plein soleil pour croquer dans mon sandwich. Après une bonne pause, je poursuis cette magnifique journée d’automne. Même si la plus grosse montée est derrière, je sais qu’il me reste certains coups de cul. Le suivant arrive, je remonte le sentier dans un immense pierrier pour prendre pied sur un très long sentier horizontal, qui file en pente douce. J’aime à dire qu’il s’agit de la plus haute piste cyclable d’Europe ! Le tracé ne présente aucune difficulté, il est même large par endroit. Mais attention, on prend facilement de la vitesse ici et il y a deux soucis majeurs : le risque important de croiser d’autres usagers qui remonte en sens inverse et la forte pente à droite. Dans le premier cas, il faut rester vigilant pour anticiper les croisements et mettre pied à terre bien entendu. Dans le second, si on ne veut pas finir 2000 m plus bas, il est conseillé de ne pas rouler à 100%… En fait le sentier est tellement beau que trouver un rythme de croisière, tout en fluidité, permet d’en profiter encore plus longtemps !
Une fois ce long balcon terminé, le cheminement devient plus classique. Le sentier descend en forêt. Plus bas, après avoir suivi une piste forestière et avoir atteint une bergerie, on se retrouve devant un dilemme. Soit continuer tout droit et descendre facilement par un chemin large jusqu’au Rhône, c’est un peu monotone parfois mais au moins cela reste facile. En cas de fatigue, c’est une option qui a son intérêt. Soit on prend à droite et on attaque un long sentier qui sera technique jusqu’au bout. Dans ce cas précis, mieux vaut avoir un bon bagage technique ainsi qu’une bonne dose d’énergie. Surtout avec un VTTAE qui avec son poids ne va pas vous rendre la tâche facile dans la longue série d’épingles techniques du bas. Personnellement, j’ai déjà roulé les 2. Et bien entendu, ma préférence va a la deuxième partie.
Une fois le fleuve rejoint, il me reste plus qu’à pédaler jusqu’à la gare de Saxon. De là, je saute dans un train direction Martigny puis le Châble. J’arrive dans le val de Bagnes, il est déjà tard. Heureusement le télécabine qui grimpe à Verbier reste ouvert jusqu’à tard dans la nuit. Comme elle achemine les touristes mais aussi les très nombreuses personnes qui bossent dans la station, cette installation est décrétée d’utilité publique. Ainsi elle est ouverte de 5h15 du matin à 23h50 tous les jours ! Voilà comment on peut venir passer un séjour agréable dans le Valais sans voiture et rouler sans fin !