LES FABULEUSES TERRES NOIRES DE DIGNE-LES-BAINS
C’est désormais un spot mondialement connu qui attire les pratiquants de tous bords ! On a tous envie de poser ses roues sur ce terrain si particulier et si rare. Visite guidée dans ce petit bijou des Alpes de Haute-Provence.
» Badlands », voilà comment les anglophones nomment les terres noires. Littéralement traduites par « mauvaises terres« , sur ces collines rares sont les végétaux qui poussent. Seules quelques herbes rases et quelques arbustes épineux arrivent à survivre sur ces roches compactes et imperméables toujours régulièrement soumises à une forte érosion. La couleur noire de ces terres est due à la présence de sulfure de fer. Car ce paysage lunaire est né sous la mer au Jurassique du dépôt de quantité de sédiments argilo-calcaires encore appelés marnes. Voilà pour la partie géologie ! Désormais, quand vous viendrez ici, vous roulerez moins bête !
En pratique, le secteur est facilement accessible. Pour ma part, moi qui vient du sud de la France, il suffit de suivre l’autoroute de la vallée de la Durance. Et une fois sorti, en 30 minutes environ, j’atteins la ville de Digne-les-Bains, préfecture du département des Alpes de Haute-Provence. Même si n’habite pas ici, je ne me cache pas pour dire que ce département est sans aucun doute le meilleur de France pour faire du VTT. Et pour plusieurs raisons :
- La météo : Ici, sur quasiment 80% du département, il faut y enlever les vallées alpines de l’Ubaye et d’Allos, on peut rouler toute l’année et dans d’excellentes conditions.
- C’est un territoire peu urbanisé et peu peuplé. Cela veut dire que la part des forêts et des montagnes est importante.
- La diversité des paysages est impressionnante : entre les Gorges du Verdon, les collines provençales de Gréoux, les sentiers infinis du val de Durance, le terrain de jeu de Digne, les trails des Préalpes et les versants alpins des montagnes (le point culminant est situé à l’aiguille de Chambeyron à 3412 mètres), on ne peut pas dire que rouler ici est monotone.
- La qualité du balisage VTT.
C’est pour cela un département exemplaire. Et je peux en parler en connaissance de cause. Lorsque j’ai créé les éditions VTOPO en 2005, il y a maintenant 18 ans, j’avais rencontré les acteurs locaux institutionnels qui avaient lancé le développement du VTT dans le département. À cette époque, ils étaient déjà très en avance sur tout le reste de la France. Et grâce à leur passion du vélo et leur amour du partage, ils ont su insuffler cet esprit autour d’eux et créer une véritable dynamique départementale pour le VTT. Et cette avance en 2022, même si certains départements se bougent considérablement pour la pratique, ils l’ont tout de même conservé.
En arrivant sur Digne-les-Bains, je retrouve ces « vieilles » connaissances, ces piliers du VTT, ces personnes qui font plaisir à voir. Derrière un café, nous dressons le programme du jour. Je ne suis pas venu rouler ici depuis presque 8 ans, j’ai besoin d’un bon rafraichissement, mes notions du secteur ne sont plus bonnes. Avec l’équipe aux yeux qui brillent, chacun y va de sa proposition, de son idée, de son passage ou même de ses photos. Tout est bon pour partager la pépite et faire que ma journée soit la meilleure possible. De toute façon, je sais que je vais me régaler, reste juste à optimiser. Je pars pour le circuit balisé 21 par l’espace FFC : le Randuro des Terres Noires. Oui, il s’agit bien d’un itinéraire officiel qui part à la découverte de ces terres noires. Car avant de venir ici, il faut toutefois garder en tête que la fameuse « équipe aux yeux qui brillent » et tous les autres qui n’étaient pas là ce matin, se mobilisent pour une pratique VTT durable dans le secteur. Et ce ne sont pas les oppositions qui manquent, comme de partout en France. Et pourtant, ils y parviennent, à force de temps passé, de concertations, de discussions, de négociations… Certes les terres noires c’est très alléchant mais sachez que vous ne devez pas venir ici avec une pelle et une pioche. Certains l’ont fait, pour tracer des fameuses lignes freeride, d’autres continuent de le faire, mais ce n’est pas une raison pour risquer d’assombrir les relations entre les pratiquants et les gestionnaires d’espaces naturels. Sans compter l’amende que vous pourriez prendre. Aussi, n’oubliez pas que la pratique VTT est autorisée sur l’ensemble du balisage et donc interdite là où il n’y a aucun panneau. C’est en ce sens que je conseille de rester sur les itinéraires balisés de l’espace FFC et notamment, pour les plus costauds, de partir sur le circuit 21. J’aurais pu commencer cet article en parlant uniquement du plaisir de rouler ici mais ça vous le savez déjà ! Voilà pourquoi j’ai préféré commencer ce récit par une approche plus pédagogique sur ce lieu si sensible.
Quand j’attaque les premiers tours de pédale, j’ai hâte. Car depuis la route qui monte aux Dourbes, on ne les voit pas vraiment ces terres noires. On aperçoit surtout ces grandes forêts de pins mais point de crêtes, arêtes, dalles… Je termine ma première ascension, je suis à 1000 mètres d’altitude environ. J’attaque également ma première descente, appelée « Les chasseurs ». Elle démarre tranquillement dans les bois puis tout à coup s’ouvre sur une magnifique zone de terres noires. Le sentier tournicote et la première difficulté malgré le balisage est de ne pas le perdre. Je suis donc bien occupé dans cette descente ! Le pilotage est intéressant, joueur, on ne s’ennuie pas. Après une belle traversée, la trace remonte bien raide jusqu’à un col. De l’autre côté, je bascule sur une nouvelle zone à la géologie sombre. L’itinéraire est parfaitement bien pensé, il exploite au mieux le terrain. Au bas du vallon, j’attaque une montée sur sentier. Point de repos ici ! Il faut rester concentré sur son pédalage et fournir un effort conséquent pour rester sur le vélo. Ce n’est pas du tout repos mais c’est très ludique. Plus loin , je rejoins une large piste qu’il faut remonter. La pente n’est pas trop importante, je peux relâcher la concentration et reprendre un rythme normal. Car il va me falloir de l’énergie pour enchaîner la prochaine descente : les toboggans ! D’abord large, parfait pour se remettre en jambe, le tracé tourne brusquement dans les bois et remonte sur une crête dégarnie. C’est là que se situe le départ de la descente. La vue est magnifique, je prends quelques minutes pour me poser et manger une barre de céréales. J’adore les contrastes de couleurs : gris sur la roche, vert tendre dans les prés. C’est fantastique. Malgré le ciel un peu bouché aujourd’hui, les couleurs ressortent vraiment bien. Je remonte sur mon Kern et attaque la descente joueuse. Les passages sont superbes, variés, parfois raides, parfois rapides… C’est incroyable cette diversité sur un sentier. C’est suffisamment rare pour être souligné. Encore une fois, il est impossible de s’habituer à un style de pilotage, il faut sans cesse revoir sa copie. Tout en bas, une jolie traversée ascendante me ramène sur une piste. Je coupe en face et grimpe le sentier nouvellement créé par l’équipe locale : un travail de romain ! Le sentier prend du dénivelé dans les épingles et continue par de longues traversées roulantes. On avale les 150 mètres d’ascension d’une superbe manière même si le cardio en prend un coup tout de même ! Au sommet, je bascule de l’autre côté dans la 3ème et belle descente de la journée. Comme les précédentes, il faut piloter, être présent sur le vélo, et mobiliser toute son énergie. Entre terres noires, passages en forêt, je rejoins la dernière partie avec quelques zones bien techniques et exposées. En fin de parcours, il faut rester vigilant et ne pas faire d’erreur. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le conseil que j’évoque dans cet article. Tout en bas, je franchis une passerelle fraichement construite puis rejoins la route. En quelques tours de pédales, je gagne le centre de Digne-les-Bains. Les terres noires ne pouvaient pas décevoir et encore une fois, elles ont relevé le challenge !
INFOS PRATIQUES :
Y ALLER : Via l’A51 du val de Durance, sortie Digne-les-Bains.
OÙ DORMIR : L’offre est importante dans la ville et sur la zone. Vous trouverez facilement de quoi vous loger.
INFOS :
À VOIR / À FAIRE : Pour la culture, la visite de la maison de l’aventurière Alexandra David Néel. Sur le plan sportif, la via ferrata du coin ! Pour rester dans le vélo, il y a l’Evo Bike Park aussi !
ITINÉRAIRES VTT :
Le VTOPO VTT Alpes de Haute-Provence dispo sur www.vtopo.fr
Les parcours balisés du département : https://www.tourisme-alpes-haute-provence.com/le-vtt/
ENVIRONNEMENT :
Les terres noires sont un site naturel exceptionnel. Il s’agit d’anciens fonds marins datant de plus de 160 millions d’années, formés à une période où la mer recouvrait ce secteur. Ce site est aujourd’hui protégé. Il est au cœur de la Réserve Naturelle Nationale géologique de Haute-Provence et de l’UNESCO Geoparc de Haute-Provence. Ne pas sortir des itinéraires balisés, ne pas créer de raccourci ou de nouveau sentier.
Photos : Variable Visual – Gaétan Riou
Texte : Cédric TASSAN