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Les Monges : La Grande Évasion

Il est toujours surprenant de voir que notre si petit pays connait une telle diversité de paysages ! Chaque territoire regorge de sites naturels fascinants. Certains sont totalement à l’écart des grands itinéraires, c’est exactement ce que Cédric Tassan de chez VTOPO est venu chercher dans ce magnifique massif des Monges, au coeur des Alpes de Haute-Provence.

Cédric TASSAN, ambassadeur SUNN

Depuis le temps qu’on me parle de cette montagne ! J’ai commencé à en entendre parler quand Franck Larrivière, auteur chez VTOPO, ma maison d’édition, travaillait sur le guide VTT des Alpes de Haute-Provence. Cela fait de nombreuses années puisque la première édition date de 2011 ! Et pourtant, je n’avais encore jamais posé mes roues dans ce secteur. Ce n’est pourtant pas faute d’y passer pas très loin quand je remonte l’autoroute du val de Durance pour me rendre dans les Alpes.

Entre Franck et Philippe Leouffre en lien avec la promotion du département, c’est un concerto, une ode aux Monges ! Chacun me rappelle régulièrement la beauté du secteur.

Alors c’est décidé, j’y suis allé ! Et le printemps, c’est le moment idéal pour passer du temps en montagne. L’altitude ne dépasse pas les 2100 m, c’est un secteur où il n’est pas nécessaire d’attendre le mois de juin pour y aller, la neige y aura déjà fondu. Et puis, c’est le moment où la nature explose, sort de sa léthargie hivernale pour offrir une explosion de couleurs vertes. Le secteur n’est pas très loin de chez moi, c’est une excursion que je peux réaliser à la journée facilement. Quant à la sortie, dans sa version la plus classique, elle n’est pas très longue : une vingtaine de kilomètres pour environ 1100 m de dénivelé. Mais il est facile de bâtir des parcours bien plus longs dans le secteur. Ce n’est pas le relief et les chemins qui manquent. D’ailleurs quand je me plonge sur les cartes pour préparer ma journée, j’imagine facilement une magnifique itinérance ici. Le terrain s’y prête admirablement bien. Et puis dormir là-haut, seul au monde, cela doit être magique !

Hier il a plu une bonne partie de la journée. Cette eau qu’on attend avec impatience dans le sud de la France et même sur une grande partie du territoire national. Mais cette averse ne suffira pas à combler le manque cruel de précipitations enduré. C’est dans cette humidité encore latente que je prends la direction des Alpes de Haute-Provence. Lorsque je quitte l’autoroute à la hauteur de Sisteron, mon GPS m’indique une vingtaine de kilomètres restant mais presque 40 min de trajet. La route confirme les prédictions de mon appareil : elle étire son long ruban étroit dans les collines, tourne à chaque crête, plonge dans les petites vallées, traverse des pentes escarpées. Cette route est fabuleuse ! Je m’arrête à deux reprises pour faire des photos tant le paysage est somptueux. Ici, ce n’est pas une petite averse qui est tombé mais sans aucun doute un gros orage. Les torrents sont gonflés, les sols sont devenus sombres car chargés d’eau, les arbres sont d’un vert incroyablement intense ! Je vois également la température extérieure diminuer au fil des kilomètres. Chez moi, même de bon matin, il faisait très bon. En débarquant dans le petit village d’Authon, c’est le coup de froid : du vent et 9 degrés à l’affichage. Sans compter que le soleil joue à cache cache avec les nuages. Mais ce n’est finalement pas la météo qui surprend le plus en arrivant ici mais la taille de la commune. Car je viens de penser devant la mairie, une toute petite maison de village. En faisant une rapide recherche sur internet, j’apprends que la population municipale n’est que de 63 habitants ! Avec plus de 40 km2, la densité de population n’est même pas de 2 habitants au kilomètre carré. On pourrait mettre ce chiffre en perspective avec les 20 500 habitants au kilomètre carré de la ville de Paris ! En résumé, sorti du village, aucune chance de croiser une quelconque maison !

Cédric TASSAN, ambassadeur SUNN

Mais il y a une troisième surprise à mon arrivée. Sur le parking principal du village trône une petite structure couverte qui abrite une station de lavage et de gonflage vélo ! Je n’en crois pas mes yeux. Quelle installation surprenante dans ce village perdu. C’est dire aussi le dynamisme local et départemental pour la mise en avant de notre pratique. Cela fait très plaisir de voir ces initiatives. Je ne traine pas à me préparer et démarre en milieu de matinée. Le profil de mon parcours est assez simple : une longue montée pour une longue descente. Enfin, en temps, la descente sera toujours bien plus rapide que la montée. Mais c’est le jeu. Je suis une piste forestière dans un petit vallon abrité du vent. Quelques animaux, cheveux et ânes me regardent passer. La pente est régulière, pas trop forte, idéale pour bien se chauffer. Après une longue traversée, je sors de la forêt, la vue se dégage et le parcours prend toute son ampleur. Dans une jolie clairière qui serait propice au bivouac, je quitte la piste pour attaquer un sentier. C’est désormais plus raide et il faut s’accrocher pour rester sur le vélo. Une fois le col et la crête rejoints, je me trouve projeté à plusieurs milliers kilomètres. Ces immenses étendues vertes, sans arbre me font penser à mes voyages en Asie Centrale. Un panneau d’information sur les chiens de berger m’interpelle. Mais actuellement, étant venu ici avant la saison, le bétail n’est pas encore dans les montagnes. Par conséquent les chiens non plus.

La suite de l’itinéraire est simple : suivre la crête jusqu’au sommet. Il parait bien loin. Mais j’ai appris que la vision est trompeuse. Certes l’objectif n’est pas à côté mais je l’atteindrai beaucoup plus rapidement que ce que mon cerveau imagine. On peut expérimenter facilement cette notion d’espace temps. Il suffit de se fixer un point lointain dans le paysage, l’oublier pendant quelques heures et se retourner bien plus tard pour voir que désormais il est dans le dos depuis bien longtemps. En ce qui me concerne, je remonte cette crête d’une beauté incroyable. Parfois sur le vélo, parfois à côté, je chemine à presque toucher les nuages. Je préfère alors profiter d’une petite pause repas pour avoir une chance d’attraper le soleil une fois au sommet. Car pour le moment, c’est turbulent là-haut. Les nuages emprisonnent la montagne. Après une petite trentaine de minutes, je reprends le rythme et attaque la dernière partie plus raide. Impossible de rester sur le vélo, il faut pousser et porter de temps en temps. Je me rapproche du fil de l’arête et profite de vues plongeantes dans les falaises. Point de chamois aujourd’hui, ils doivent se cacher ailleurs. En général, ces animaux aiment ces versants escarpés. Plus haut, les dernières plaques de neige puis le sommet ! Il est là, à quelques mètres sous un grand soleil. Ma pause a marché. Grâce à une chance inouïe, j’arrive au meilleur moment au sommet des Monges. Par contre le vent souffle d’une force ! Je fais quelques photos en haut mais ne traine pas trop. J’attaque la descente de l’autre côté, brassé par le vent. Quand il s’engouffre dans les roues, mon vélo est bousculé, il faut bien garder en main le guidon. Heureusement que la trace ne demande pas de rester précis. Le sentier se perd dans les alpages, la progression se fait à vue en suivant au mieux les caïrns. Parfois je descends trop à gauche ou à droite, je dois corriger ma trajectoire. Bien plus bas, une belle trace se dessine. Plus aucun doute d’itinéraire, je suis désormais le sentier bien marqué. La large crête sommitale se rétrécit et se termine par un passage bien étroit, plutôt technique. Bien c’est la bascule en forêt avec un sentier tout en virages, magique et joueur ! Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Même si j’ai bien profité de cette descente, je finis par rejoindre la piste forestière et me laisse glisser jusqu’au parking. Je boucle un itinéraire comme je les aime : logique, évident, varié et magnifique. Et quand je vois le potentiel tout autour, cela me donne des idées de nouveaux parcours. Il va donc falloir y revenir !

Cédric TASSAN, ambassadeur SUNN

J'en veux encore !