Quand on pense au Stelvio, ce célèbre col routier d’Italie, on imagine tout de suite le Giro d’Italia, pendant lequel le peloton grimpe les mythiques lacets étroits et vertigineux accrochés à la montagne. Et pourtant c’est surtout un spot magique de VTT que Cédric Tassan a arpenté aux premières neiges.
Avant les premières neiges et pour profiter des belles lumières de la fin de l’automne, je mets le cap vers l’Italie et ses belles montagnes.
Il y a plusieurs années j’avais été du côté de Livigno et en remontant la vallée de Valtellina, j’avais été impressionné par sa profondeur et ses hautes montagnes. La géographie me rappelait celle du Valais en Suisse, la vigne tout en bas, les glaciers tout en haut.
JOUR 1
Me voici de retour pour découvrir cette vallée avec la bonne excuse de rendre visite à mon partenaire, le fabricant de casques Met. La société est basée à Sondrio, au beau milieu du Valtellina, aux pieds des montagnes. Pratique quand il faut tester un nouveau casque !
Mais avant la visite, j’ai les jambes qui démangent, j’ai envie de me frotter au Stelvio… mais pas à VTT. Je sors le vélo de route de mon van. La veille il a neigé, j’ai des doutes sur la praticabilité du col avec des pneus de si petites sections. Mais on verra bien, au pire je ferai demi-tour. Je quitte Bormio tôt le matin dans un froid glacial. En grimpant les premiers lacets du col, dans une totale solitude, ce qui doit être totalement différent l’été, les premiers flocons virevoltent dans l’air. Quand j’arrive sous le sommet du Stelvio, la neige a recouvert intégralement le paysage. Je bascule côté Suisse, frigorifié, un vent terrible souffle. Dans un décor de carte postale, j’arrive dans le Val Müstair où je m’offre une solide collation dans un joli bar. Je poursuis ma route à travers la vigne, je suis à peine à 900 m d’altitude. Je traverse à nouveau la frontière pour me retrouver à Prato dello Stelvio, de l’autre côté du col. Il me reste une énorme montée à affronter : le Passo Stelvio est à 2757 m ! Cette seconde ascension est loin d’être facile, les virages s’enchaînent, le paysage change, la neige apparait, j’atteins le col péniblement. Je découvre ce magnifique endroit et j’en profite pour repérer les trails autour en prévision de mon retour ici à VTT. Je dévale et rejoins Bormio après une descente interminable. Au compteur, 100 km et 3300 m de dénivelé, j’ai mon compte.
JOUR 2
Le lendemain, le repos est bien mérité. J’en profite donc pour rendre visite à Met. Mais impossible l’après-midi de ne pas aller tâter les sentiers au-dessus de l’usine. C’est Ulysse, le responsable médias qui se charge de me guider. On se sauve dans l’après-midi, aidés par Soraya de chez BlueGrass (une marque appartenant à Met) qui nous dépose dans la montagne avec un van. Il nous reste plus que 300 m de dénivelé à pédaler par une piste forestière puis un sentier magnifique dans les alpages. Nous en prenons plein la vue en sortant de la forêt ! Nous faisons une pause à proximité d’une bergerie en pierres avant la descente. Encore une crête qui joue aux montagnes russes puis vient le moment de profiter de la gravité. Quand on bascule en versant nord, le sol n’ayant pas vu le soleil, le sentier est entièrement gelé. Je suis surpris par la pente, les racines, et les passages cassants. Moi qui pensait à une descente tranquille, je suis servi ! Changer de versant, c’est changer de grip, de contrôle, de réflexes, c’est assez perturbant. Je suis Ulysse qui connait bien le sentier même si quelques fois, le manque de lumière dans la forêt nous fait perdre la trace qui n’est pas tout le temps très bien marquée, surtout sous les feuillus. Faut dire aussi que le soleil est en train de se coucher. Il ne nous reste plus beaucoup de temps pour rouler en sécurité. Plus on descend, plus les bois sont denses. On termine ce bel itinéraire quasi à l’aveugle, la dernière section est de toute beauté. Il est temps de ranger les vélos, le froid tombe d’un coup sur la vallée. Direction un bon petit resto italien où nous reprenons des forces et de la chaleur.
JOUR 3
Le lendemain, il faut décoller tôt car nous avons un peu de route : il faut déposer un véhicule de l’autre côté du Passo Stelvio, à Prato dello Stelvio puis remonter au col pour attaquer notre journée sur le VTT. Malgré cela, nous n’arrivons pas à monter sur machines avant 11h00. Faut dire que la jolie brasserie de Prato avec son chocolat chaud et ses magnifiques tartes aux pommes nous a retardée quelque peu…
Le Passo Stelvio est déjà baigné de lumière. Nous prenons à gauche et grimpons en direction d’un ancien bâtiment qui ressemble à fort et même à un phare. Quel endroit étrange perché à 2900 m d’altitude ! Le trail est recouvert de neige, le ciel d’un bleu magnifique. Les conditions sont réunies pour passer une belle journée. Le passage des marcheurs a parfaitement damé le sentier. Mais après une bonne dizaine de minutes, la quantité de neige a augmenté, nous sommes quasiment à 3000 m. La progression devient plus pénible, il faut régulièrement descendre du vélo. Nous attendons avec impatience le moment où le sentier se mettra à descendre, nous pourrons ainsi quitter l’altitude fatidique où la neige disparaitra.
Après une longue traversée sur un sentier bien étroit, nous atteignons le point de bascule. Rapidement la neige fond pour laisser place à un trail boueux. Sacré dégel ! Heureusement, cela ne dure pas, nous pouvons reprendre nos marques sur un sentier suspendu au-dessus de la vallée. La vue est fantastique ! Tout en bas, notre véhicule nous attend sagement. Mais il nous reste 2000 m de dénivelé négatif à parcourir. Le sentier s’étire comme un ruban et trouve le meilleur passage dans les grands pierriers composés de gros blocs écroulés des pentes supérieures. De loin, j’ai l’impression qu’il faudra descendre de vélo. Mais une fois dans les rochers, le cheminement se dessine, même s’il faut un peu s’employer pour rester sur le vélo. Le trail offre une multitude de visages : parfois très roulants, parfois très techniques. Le changement est permanent. Parfois c’est la grande surprise. Après un passage bien rapide, le sentier change brusquement de versant dans un virage en aveugle. Juste derrière, c’est un champ de bataille : racines, dalles acérées, rochers effilés. C’est dans ces moments là que l’on voit si nous avons encore nos réflexes : il faut attraper les freins tout en cherchant la bonne trajectoire. Après une dernière traversée techniques ponctuées de parties montantes et descendantes, on gagne une piste forestière. De l’autre côté, une bonne montée nous attend. On voit le sentier grimper très haut jusqu’à une crête. Ulysse qui est en VTTAE part devant et m’attend au sommet de la crête. Derrière, j’essaie de faire un maximum sur le vélo, mais la pente est vraiment raide. Je pousse sur les quelques derniers mètres. Nous profitons du lieu et de la vue pour faire une bonne pause. La végétation a déjà pris sa couleur d’automne, les arbres, les alpages, tout se pare de roux.
Nous poursuivons notre descente, à la limite de la forêt. Le sentier continue de traverser ce flanc de montagne. Nous avons depuis le début de notre parcours la montagne à gauche, le vide à droite. Mise à part quelques lacets qui nous font changer de sens, nous évoluons toujours dans la même direction.
Plus bas, alors que nous nous enfonçons dans la forêt et que le soleil décline, nous croisons un couple de chevreuils. Peu farouches, ils se laissent observer quelques minutes. Quel magnifique spectacle que d’admirer ces animaux dans leur milieu naturel. C’est aussi pour ça qu’on fait du VTT, pour être au cœur de la nature et profiter de ces instants magiques.
La dernière partie de la descente est sublime : rapide, sinueuse, lisse. Nous prenons un pied incroyable à dévaler les dernières centaines de mètres de dénivelé. Quand nous arrivons au parking, le soleil a déjà disparu derrière les montagnes, et le froid s’abat dans la vallée.
Nous croisons un groupe de vététiste dont le premier arbore un casque Redbull. Je reconnais immédiatement Tom Oehler, le célèbre trialiste autrichien. Nous nous connaissons via les réseaux sociaux, c’est l’occasion de discuter de vive voix. C’est toujours étonnant de croiser quelqu’un que l’on connaît presque au milieu de nulle part. Il ne reste plus qu’à nous changer et à regagner l’habitacle confortable de notre véhicule. Je suis comblé d’avoir découvert à nouveau un petit coin de paradis pour le VTT.